vendredi 27 novembre 2009

A Jour


À Jour avec des lavis de Ben-Ami Koller, Coaraze, L’Amourier, 2000, 68 p.

Recension:

Note de lecture de Alain Freixe dans Europe

Serge Ritman, À jour, Illustrations de Ben‑Ami Koller, Collection Ex Caetera, L'Amourier, 8OFF.

À Jour comme on dit « être à jour », pour dire que les comptes sont bons. Qu'il n'y a pas de reste. C'est cela que l'on aimerait! Cela que Serge Ritman sait pourtant impossible : « J'écris le dernier mot mais la stèle crie / Puisque le compte n'est jamais juste ». On est depuis toujours déjà entré dans la perte. Dans « ce mal qui barre la vue innocente ». Ce mal qui insiste. Bouche une à une toutes les issues. Brouille les pistes. Nous voue aux éboulements et à la confusion qui s'en suit: « (...) tout / Se mélange parce que ça ne tient pas».

Tout dans ces poèmes de 14 vers dit la violence sourde du monde comme il va. La terre des mots, l'écriture la laboure, la sillonne. 14 fois par page. 14 levées de soc. 14 brefs silence où c'est de la douleur qui s'égoutte.

Nous sommes dans ce livre comme dans un train de pensées : multiplicité ouverte de tensions entre le dedans et le dehors. Entrecroisement. Passage. Milieu actif de conjonctions/disjonctions. Glissements. Basculements entre bribes de vécu, coins de paysages, réflexions de poétique...

Ce livre est travaillé par une mélancolie active, son battement invisible. Ici, la langue bégaie: coupes, saccades, reprises. Le bégaiement est le ressort expressif de ce texte. Serge Ritman sait rester en prise sur l'élan, le déséquilibre qu'il y a dans le pas, la marche de tous les jours. Cela qui fait que l'on repart plus que l'on ne continue.

Pourtant, À jour est un livre au bâti sûr et discrètement présent. Nous avons parlé de bégaiement, de procédés de découpe, d'une ponctuation totalement absente, d'une mise en vers, de vers mis en poèmes, 14. Parlons maintenant des 38 poèmes qui composent ce livre. 2 fois 19, plus un poème de 7 vers qui sépare ces 2 volets. Poème-césure qui certes coupe mais maintient ouverte la coupure. Et la garde ainsi vivante. En cela, il articule et rive l'un à l'autre ces 2 blocs de textes. Porte à 2 battants. Si le premier volet s'achève sur la perte de "l'aura", pour le dire en termes benjaminiens, puisqu' « on ne / Voit pas les auréoles sur les passants», le second s'ouvre sur « l'inconnu » au loin. Ailleurs que l'on ne voit pas et où vont ces paroles que nous ne saurons pas et que le vent des mots de Serge Ritman a poussé là-bas. Ici même pourtant mais de l'autre côté. Là où ça penche.

Alain Freixe




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