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samedi 10 janvier 2015

Poétique de la voix en littérature de jeunesse. Le racontage de la maternelle à l'université


Poétique de la voix en littérature de jeunesse. Le racontage de la maternelle à l'université, Paris: L'Harmattan, "Langages et enfance", 2014.

Quelques informations concernant l'ouvrage en cliquant sur ce lien : http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=45611


Sommaire
Introduction : Le racontage – les fables de la voix en littérature de jeunesse 
Constellation 1 – Orientations          
Etoile 1 : « Le raconteur » de Walter Benjamin – Un problème pour l’histoire de la pensée anthropologique, poétique et didactique   
Etoile 2 : La transmission – Un problème de communication ou un problème de relation ?           
Etoile 3 : La littérature de jeunesse – Un problème pour la critique littéraire         
Etoile 4 : Bibliothèques scolaires, bibliothèques publiques – Un problème pour la politique de la lecture
Etoile 5 : Les albums – Un problème pour la théorie et la didactique de la littérature         
Constellation 2 – Interventions        
Etoile 6 : Faire œuvre avec les œuvres – Une didactique du littéraire comme activité trans-subjective  
Etoile 7 : Non l’expression mais la relation – Une didactique de l’oralité de l’écriture       
Etoile 8 : Vers le sujet du poème dans les lectures – Une didactique de l’écriture au plus près des paroles          
Etoile 9 : La parole aux sans-voix – Une didactique pour prendre/donner voix      
Etoile 10 : La voix comme sujet-relation – Une didactique des relations de voix   
Constellation 3 – Approximations   
Etoile 11 : La voix animale, une reprise d’oralité – Sur l’anthropomorphisme dans les fables et bestiaires pour les enfants      
Etoile 12 : De Benjamin Rabier à Philippe Corentin – Sur la reprise artistique du rire en littérature enfantine  
Etoile 13 : Il y a détail et pan – Sur le regard de l’escargot et du mulot chez Leo Lionni    
Etoile 14 : La littérature, une question de voix – Sur le romanesque de Michel Chaillou et la théâtralité d’un album de Ionesco-Delessert        
Constellation 4 – Relations   
Etoile 15 : Archéologie et cartographie au cœur de l’expérience littéraire – Avec François Place et ses atlas   
Etoile 16 : Le détail et la fable en regard de l’Histoire – Avec Tomi Ungerer, la mémoire à l’œuvre    
Etoile 17 : Raconter les voix – Avec Malika Ferdjoukh, éthique et poétique pour évaluer les paroles   
Etoile 18 : Moralisme, moralisation et « littérature engagée » - Avec les œuvres qui engagent       
Conclusion : Le racontage – La didactique et la théorie de la littérature mises en mouvement     
Bibliographie générale        

RECENSIONS :

1. Sun Nyeo Kim dans le Français aujourd'hui n° 189, juin 2015 :



2. Carla Campos Cascales sur Fabula :

CARLA CAMPOS CASCALES

Ce que transmet la transmission de la littérature

Serge Martin, Poétique de la voix en littérature de jeunesse. Le racontage de la maternelle à l’université, Paris : L’Harmattan, coll. « Enfances et langage », 2015, 530 p., EAN 9782343048130.
Tandis que les siècles s’écoulent, la masse des ouvrages s’accroît sans cesse et l’on prévoit un moment où il serait presque aussi difficile de s’instruire dans une bibliothèque que dans l’univers et presque aussi court de chercher une vérité subsistante dans la nature qu’égarée dans une multitude immense de volumes.
L’Encyclopédie, article Encyclopédie
1Comme s’il répondait au célèbre article de Diderot, Serge Martin nous invite avec son ouvrage à contrer la difficulté de « s’instruire » avec les livres en traçant un certain chemin didactique : celui d’une littérature comme activité vivante et toujours en relation dès qu’un lecteur entre en contact avec elle.
2Prenant appui sur ce qu’on désigne, un peu trop communément à son avis, par « littérature de jeunesse », l’auteur propose une théorie et une didactique de la littérature visant à libérer une discipline souvent instrumentalisée par l’école et trop restreinte par une certaine méthodologie que ce soit pour les élèves des petites ou des grandes classes. 
3Le choix du corpus défie l’idée même de la littérature telle que la véhicule une certaine institution : il s’agit d’aborder les albums « contre toutes les catégories prédéfinies, y compris celle de l’enfance » (p. 86). Ne se laissant pas enfermer dans les catégories scolaires classiques des périodes littéraires ou des genres, ou encore dans la dichotomie écriture/oralité, S. Martin nous propose de faire le saut de La Fontaine à Le Clézio en passant par Claude Ponti et beaucoup d’autres (Tomi Ungerer, Benjamin Rabier, Philippe Corentin, Louis Joos, Malika Ferdjoukh, Gisèle Pineau...), en suivant un seul critère pour engager la lecture en classe et ailleurs : celui de « racontage », notion qu’il emprunte à Walter Benjamin :
Aussi, j’aimerais proposer ici, tant à l’enseignant qu’au formateur et au chercheur, un opérateur pour la pratique et la théorie de la littérature avec les œuvres : celui que m’a semblé offrir la notion de « racontage » (p. 11)
4Or, comment comprendre ce terme ?
L’expérience qui circule de bouche à oreille est la source à laquelle ont puisé tous les raconteurs. Et parmi ceux qui ont couché des histoires par écrit, les plus grands sont ceux dont le récit écrit et se distingue le moins du discours des nombreux raconteurs anonymes1.
5Nous trouvons chez Benjamin une première piste pour cette notion qu’on retrouve à maintes reprises dans Poétique de la voix jusque dans le sous-titre : le racontage serait toujours expérience, du vécu, du mouvement mais aussi de l’oralité, de la voix jusque dans l’écrit.
Le racontage serait donc ce passage de voix qui demande de considérer l’activité continue de la voix des histoires comme porteuse de sens. Plus que le sens qu’une voix serait chargé d’exprimer pour que des lecteurs le retrouvent, voient y soient amenés par quelque lecteur savant, herméneute ou autre, les lecteurs y compris les débutants et, comme on dit, les non-lecteurs dès qu’ils sont auditeurs, n’ont rien à retrouver mais seulement à se trouver (ou à se retrouver, formant alors communauté), acteurs du racontage. Alors la littérature comme pratique et théorie du racontage n’a pas besoin d’une herméneutique mais d’une poétique, celle-ci n’était que l’écoute d’une écoute — ce qui est considérable ! quand la première trop souvent demande de ne plus écouter mais seulement de contempler la vérité, le sens, le texte ou toute autre essence qui oublie que les œuvres ne valent que si elles continuent d’œuvrer. Le racontage explorerait dans sa pluralité ce continu de l’œuvre. (p. 16)
6Projet didactique mais aussi poétique, cet essai critique s’attaque aux « stratégies du discontinu qui réitèrent toujours la dichotomie oral/écrit, en excluant ainsi toute prise en compte de l’oralité qui est au principe du dire dans toutes les modalités du parler, du lire comme de l’écrire, de tout l’écrire et pas seulement du parlé dans l’écrit » (p. 20) ; il imagine avec les œuvres un travail de relation qui permettrait au sujet lecteur d’exister dans et par la voix de ces œuvres. Ce lien continu créerait le langage inhérent, souvent oublié, à toute activité de lecture : car il s’agit non de penser ce «  qui se transmet quand on enseigne la littérature » mais plutôt « ce qui se transmet de la transmission quand il s’agit de littérature » (p. 51) 
7Ainsi, il faudrait non seulement écouter ce qu’une œuvre dit mais aussi et surtout écouter ce qu’on dit en lisant une œuvre. Il s’agirait d’inviter à enseigner la littérature comme un passage de subjectivation qui ne s’arrête sur certaines œuvres que pour mieux poursuivre le voyage, pour (re)commencer chaque œuvre dans sa réénonciation située. Dans ce voyage cosmique, on nous apprend à lire, et non comme compétence langagière et de communication, mais comme traversée et épopée ; c’est pourquoi nous volons comme des « comètes » de « constellation » en « constellation » — l’auteur sur-titre ainsi ses quatre parties qu’il titre « orientations », « interventions », « approximations » et « relations » pour regrouper les dix-huit chapitres sur-titrés « étoiles »...
8Ce que fait cet essai, comme l’affirme S. Martin autour de l’un des albums qu’il commente (Otto de Tomi Ungerer), c’est d’« engage[r] donc de la lecture avec l’écriture, de la lecture dans l’écriture toujours en cours en considérant l’album comme écriture/lecture d’une prosodie relationnelle et non comme addition du texte et de l’image comme on a coutume de le faire » (p. 252).
9Allant au-delà de la simple transmission des compétences classiques en didactique des langues et de la littérature, au lieu de : « parler, lire, écrire », S. Martin propose de travailler plutôt avec le « dire » comme « continu d’une pensée du langage à l’œuvre dès qu’apprentissage réfléchi. Ce dire multiple, telle est l’hypothèse de cet essai, c’est au fond le moteur du racontage » (p. 17). Il y a alors dans la théorie de la relation dans et par la voix qu’engage l’œuvre par le racontage, une responsabilité éthique et sociale : on tient compte de la dimension subjective de l’exercice fait en classe. Comment ? En engageant la subjectivation dans la reconnaissance de la relation à laquelle engage l’œuvre littéraire. Encore faut‑il laisser place de façon effective à cette relation dans l’espace d’enseignement : « dire » la voix (et non pas au sens d’oraliser simplement un texte en le lisant à voix haute) qui lie le sujet à l’œuvre ou que l’œuvre lie au sujet. Mais il s’agit là d’un engagement premier dès qu’on conçoit le lecteur et même l’œuvre non plus comme deux objets (l’objet-texte et l’objet de la réception), mais comme deux sujets ou comme un même sujet qui traverse les deux — ce serait la voix.
10Par là, ce texte remet en question l’outillage didactique des œuvres dans les différents niveaux d’enseignement. On songe alors à ouvrir à l’infini de la trans-subjectivation que crée l’activité de la lecture : l’œuvre devient à son tour non pas objet d’étude mais sujet, moteur de subjectivation, possibilité de continuation à l’infini par tous les sujets qui à leur tour lui donneront (leur) voix. Les œuvres «  ne valent que parce qu’elles engagent comme racontages pour des réénonciations continuées et donc des appropriations qui ne sont pas des achèvements mais des recommencements, des devoirs de racontage plus que de mémoire » (p. 217).
11Lire, entrer en relation, écouter et s’écouter, autant de réflexions théoriques sur la littérature mais aussi sur ce qui se passe en classe. S. Martin souligne la responsabilité de l’école :
Or, toute œuvre est l’appel à découvrir l’inconnu et à viser la spécificité qui est l’expérience d’un seul devenant l’expérience de chacun et de tous, dans et par le racontage. C’est là l’enjeu éthique et politique de toute critique en actes à l’École. (p. 69)
12Espace où apprendre voudrait dire exister, expérimenter, où s’imprimerait sur nous l’empreinte du monde, et où on agirait le monde à notre tour par et dans cette activité jamais finie de racontage : « Le racontage, comme passage de voix, c’est-à-dire l’invention de formes de vie (expériences) et de formes de langage (histoires) qui s’échangent dans la plus grande intensité d’une relation de relation. » (p. 45)
***
13La beauté du texte de Serge Martin est nous proposer de ré-apprendre à lire : la littérature ne doit pas être une pause dans le continue de la vie, mais cet univers où la vie se déploie. Les œuvres seraient au centre du vivant, le formeraient, et construiraient aussi notre lien au monde. Les enseigner et les apprendre consisterait donc à savoir continuer le travail qu’elles engagent, à les lire pour lire le monde, à les intégrer dans notre subjectivité par notre subjectivité elle-même.
14La question du sujet lecteur, bien qu’ayant été abordée depuis nombreuses années par des ouvrages de didactique2, reste la plupart du temps une notion théorique difficile à appliquer dans la pratique en classe; or ce livre s’essaie à une didactisation concrète de cette idée.
15Pour cet ancien formateur d’enseignants, la théorie de la littérature est indissociable d’une réflexion pédagogique ; la preuve dans cet essai engagé et qui engage, qui invite à un changement nécessaire par une prise de conscience de la responsabilité éthique et politique d’un enseignement de la littérature qui doit prendre conscience du fait que l’activité qu’elle met en place ne peut se contenter de simples grilles de compétences ou de répondre aux injonctions patrimoniales et culturelles. Le racontage en fait un puissant levier du vivre ensemble qui s’y invente même.

NOTES

1 Walter Benjamin, Le raconteur, Circé, Traduction de Sibylle Muller, 2014 [édition originale : der Erzähler, 1936].
2 et encore d’actualité, à la vue de la récente parution de Claude Coste et Bertrand Vibert (coord.), L’expérience du sujet lecteur : travaux en cours, Recherches & Travaux, Université Stendhal-Grenoble 3, 2013.

PLAN

    AUTEUR

    CARLA CAMPOS CASCALES



    vendredi 2 novembre 2012

    Les poèmes à l'école


    (avec Marie-Claire Martin), Les Poèmes à l'école. Une Anthologie, coll. « Parcours didactiques à l'école », Paris : éd. Bertrand-Lacoste, 1997, 414 p

    La place de la poésie a toujours été considérée comme essentielle par les enseignants du primaire. Les programmes ont proposé des modalités variables de sa prise en charge depuis la récitation jusqu'aux jeux poétiques en passant par la création poétique. Les répertoires se sont constitués au gré des traditions scolaires et des goûts personnels des enseignants.
    Cet ouvrage fait le point et propose des activités renouvelées et plurielles en classe. Il offre également à l'enseignant un ouvrage de référence qui lui permet de trouver, à tout moment, de la petite section au CM2, des poèmes pour toutes les occasions. Des poèmes de toutes les époques, de tous les pays, en assez grand nombre pour y faire sa propre anthlogie. Et les élèves ne répèteront pas un répertoire réduit à une peau de chagrin car la poésie est un langage infini.

    Les poésies, l'école avec la préface de Bernard Noël


    (avec Marie-Claire Martin) Les poésies, l'école, préface de Bernard Noël, Grand Prix national de poésie 1994, coll. « L’éducateur », Paris : Presses Universitaires de France, 1997, 224 p.
     
    Ce livre part du constat que la poésie a une existence plurielle. Dans une première partie, il fait l'histoire critique de l'enseignement de la poésie : des fondateurs de l'école républicaine aux rénovateurs des années soixante-dix en passant par les innovateurs. Réfléchissant sur les apprentissages culturels et instrumentaux, primaires et secondaires, il propose de construire des continuités entre les discours, les actes et les voix des poésies et de l'école. Dans une seconde partie, des activités aux durées variables à l'école primaire et au collège sont envisagées. Lectures, écritures et mises en voix de poèmes s'appuient sur un répertoire renouvelé à la lumière des réflexions les plus récentes sur le rythme, la voix le sujet. Les activités relient toujours les notions à des problématiques et les œuvres à la pratique de la classe. En refusant de soumettre les poésies à une fascination irréfléchie ou à un utilitarisme fonctionnel, cet ouvrage a pour ambition une école où se mêlent la voix et le texte, la proximité et la distance, l'amour et l'étude des poésies.

    Une recension par Jean Perrot dans La Revue des livres pour enfants ici: http://martin-ritman-biblio.blogspot.fr/2013/06/jean-perrot-sur-les-poesies-lecole.html

    Sommaire et préface de Bernard Noël peuvent être lus ci-dessous :




    samedi 25 septembre 2010

    Penser le langage Penser l’enseignement Avec Henri Meschonnic


    Penser le langage Penser l’enseignement Avec Henri Meschonnic, coll. « Résonance générale. Essais pour la poétique », Mont-de-Laval : L’Atelier du grand tétras, 2010, 128 p.

    samedi 19 décembre 2009

    Les contes à l'école


    Les Contes à l'école, coll. « Parcours didactiques à l'école », Paris : éd. Bertrand-Lacoste, 1997, 158 p.

    Notes sur ce livre:

    Les Actes de Lecture n°60 décembre 1997

    ___________________



    "Les jeunes lectures durent toujours..."
    Les enjeux pédagogiques de la littérature jeunesse
    Les contes à l'école


    Tout au long de ce dossier, nous évoquons la nécessité pour les enseignants de bien connaître à la fois les textes officiels qui définissent les objectifs d'enseignement et agissent sur les pratiques, la littérature jeunesse à partir de laquelle s'effectue la sélection des livres et leur mise en réseau et enfin les théories de la lecture et de la littérature qui permettent de tenir compte en même temps des lecteurs et des textes. Pour accompagner ces réflexions qui ne cessent d'évoluer il existe des ouvrages qui approfondissent tantôt l'actualité des programmes et des pratiques, tantôt l'état de l'offre de livres, tantôt le point de vue de la recherche. Rares sont ceux qui tiennent les trois axes en même temps. Une collection, chez Bertrand-Lacoste (1), dirigée par Marie-Claire et Serge Martin tente pourtant de le faire avec trois premiers ouvrages : Le roman d'aventure à l'école/Danièle Marcoin, Les poèmes à l'école/Marie-Claire et Serge Martin, et Les Contes à l'école/Serge Martin. C'est ce dernier ouvrage que nous présentons ici.

    Serge Martin est un auteur dont nous suivons le travail notamment à travers la revue Le Français Aujourd'hui (2) dont il est membre du comité de rédaction. Il y signe tantôt des textes sur l'actualité de la lecture et de l'écriture, tantôt des analyses alliant livres, auteurs, lecteurs et pratiques, tantôt des chroniques, sur la poésie, le plus souvent (3). Nous avions déjà signalé dans cette revue l'excellent livre auquel il avait participé Les Indiscutables : 99 livres pour bâtir une BCD (4). Dans la collection que nous évoquons ici il s'adresse aux enseignants des écoles maternelles et élémentaires, à leurs formateurs, avec les objectifs suivants :
    « Chaque ouvrage relie un regard historique et critique à des propositions pédagogiques. Il réunit :
    - une problématique en vue d'un professionnalisme à la hauteur des enjeux de l'école aujourd'hui ;
    - des activités autour de groupements de référence (textes et images, livres et supports variés) pour les trois cycles de l'école ;
    - une bibliographie pour l'enseignant, pour les élèves et la bibliothèque de l'école. »

    Un regard critique et historique
    Dans la première partie, après une introduction qui précise le choix emblématique du (des) Petit(s) Chaperon(s) Rouge(s) - sous-titre de l'ouvrage - et commente rapidement les textes officiels concernant la transmission des contes de 1972 à 1995, l'auteur emprunte un « détour doublement critique : parce qu'il interrogera les «théories de référence» (...) ; parce qu'il tentera de construire une théorie de la spécificité et de l'historicité des contes (...) Bref, il s'agit bel et bien de rendre au conte son actualité. » (p. 10)

    Au cours de quatre chapitres où l'érudition le dispute à l'engagement, Serge Martin bouscule des représentations tenaces «la magie de l'heure du conte», refuse toute sédimentation des pratiques par les «savoirs savants» qui pourraient inciter, l'émerveillement passé, à faire disséquer les contes comme de simples structures mécaniques et constantes.

    Quelques points ont particulièrement retenu notre attention dans cet ensemble qui peut parfois décourager les lecteurs peu informés par l'abondance de citations (mais ça devrait inciter à lire), la maîtrise des courants littéraires et du champ pédagogique... et le ton ça et là péremptoire, l'auteur étant connu pour faire franchement place nette avant de déployer des préférences qui, à l'en croire, sont les seules références possibles. Heureusement, il défend bien ce qu'il estime devoir être partagé et que nous partageons :

    le refus de toute simplification, toute schématisation par l'affirmation constante de l'écriture et de la lecture comme des aventures non séquestrables dans des grilles, des étapes, des modèles à repérer et à reproduire : « Le jeune «scripteur» sait bien qu'on ne rédige pas un conte avec des ingrédients ; même si la liste est complète, il manquera toujours quelque chose. On n'écrit pas avec une recette voire des recettes, car l'écriture comme la lecture est d'abord aventure, risque et engagement. Dans le domaine du conte, on a vite compris qu'avec de tels ingrédients on perd l'énonciation pour ne garder qu'un pâle énoncé. » p. 46
    - la défense de l'écriture, la revendication d'approches historicisées ne réduisant pas les contes en UN conte, genre littéraire primitif, issu d'un fond oral lointain, universel, sans auteur et donc sans écriture.
    - les appels continus aux spécificités, au singulier, aux originalités des événements dès lors qu'il s'agit de rencontres toujours contradictoires entre des sujets et des oeuvres culturelles, de ce fait toujours vivantes.
    - l'insistance à faire du conte une lecture non propédeutique à d'autres lectures à venir, plus complexes mais bien une lecture savante tout de suite.


    Activités pour les trois cycles de l'école

    Dans la deuxième et la troisième parties, suivent des propositions didactiques :

    Autour de cinq thèmes (deuxième partie) :

    - la lecture comparative des contes
    - les usages culturels des contes
    - l'analyse des personnages
    - la lecture de parodies
    - le recours aux images pour une meilleure lecture

    Pour une entrée dans la forêt de quelques contes : Le Chat Botté, les frères Grimm accompagnés par les images de Maurice Sendak et une lecture de La petite fille aux allumettes.

    L'ensemble de ces propositions est constamment nourri de références, d'incitations à croiser les lectures, à ne pas les enfermer, à découvrir encore au bout de plusieurs lectures d'autres ramifications, d'autres liaisons, d'autres jeux de sens possibles.

    Il serait dommage de ne pas signaler que, lorsque Serge Martin ne trempe pas sa plume dans l'acide, son écriture est heureusement sulfureuse, aux opposés des consensus, des bienséances et des visions lisses de l'enfance et des textes. Ainsi, évoquant Eva (5) donne-t-il place aux visions de la ville de Joos : « Visions nocturnes de nos villes modernes qui, depuis Baudelaire, accentuent, énervent, les désirs inassouvis sur fond de déréliction : la tristesse profonde du monde. » ; ainsi compare-t-il Eva à « Yellä Rittlander, la petite fille qui jouait dans Alice dans les villes » ; ainsi présente-t-il le départ d'Eva, la petite vendeuse nocturne de fleurs « les fleurs du mal ? » : « Une rose rouge reste là, devant le lecteur qui se souvient du nez rouge du clown du voyage d'Oregon qui gisait dans la neige à la toute fin de cet album aux deux mêmes auteurs (Le Voyage d'Oregon, Pastel, L'École des Loisirs, 1993 ; l'épitaphe en était le poème « sensation » d'A. Rimbaud.) » ; ainsi rejoint-il le lecteur « au seuil d'un retour à la réalité qui ne soumet plus l'impossible à l'étroitesse du possible. Si le « n'écrire que du vent » de Boris Vian vient en épigraphe à ce livre, c'est pour rappeler que le livre dit pour enfants ne doit pas oublier le non serviam que Baudelaire revendiquait quant à la poésie - et que nous revendiquons volontiers pour toutes les oeuvres à l'école et particulièrement pour les contes. Aussi Rascal et Joos lancent-ils un défi qu'ils tiennent jusqu'au bout. Le livre en témoigne : le récit d'une enfance libre a lieu dans un monde où elle n'a pas lieu d'être, étant donné ce qu'il est. » p. 146. À

    (1) Il s'agit chez Bertrand-Lacoste de la collection Parcours didactiques à l'école.

    (2) Le Français aujourd'hui, Revue trimestrielle de l'Association des Enseignants de Français (AFEF) , 19 rue des Martyrs, 75009 Paris.

    (3) Dans Le Français aujourd'hui n°118, nous vous recommandons sa chronique sur Claude Ponti : De la répétition au rythme.

    (4) Les indiscutables : 99 livres pour bâtir une BCD, raymond Le Loch, Claude Le Manchec, Marie-Claire Martin, Serge Martin, Annie Perrot, Janine Thibaud, CRDP du Val d'Oise, Bât. Jacques Lemercier, ( avenue de la palette, 95000 Cergy.

    (5) Eva ou le pays des fleurs, Rascal et Joos, Pastel, École des Loisirs, 1994.
    Yvanne Chenouf


    Un commentaire sur le blog de Sirene à Mostaganem (Algérie) :

    dimanche 13 décembre 2009

    Enseigner la littérature de jeunesse

    (avec Pierre Bruno, Max Butlen et Jacques David, coord.), Enseigner la littérature de jeunesse, Paris, Armand Colin, « Le Français aujourd’hui », 2008.

    outre la coordination et la corédaction de la présentation, cet ouvrage comprend les contributions suivantes :
    « Des propositions pour l’école en plein dans le mythe », p. 53-63 ;
    « Le point de vue dans les albums en maternelle », p. 77-84 ;
    « Les mille et un cercles du groupement de textes », p. 97-102 ;
    « Tomi Ungerer et les plaisirs dela fable », p. 159-165 ;
    « Claude Ponti, de la répétition au rythme », p. 167-177 ;
    « Y a-t-il une poésie pour la jeunesse? », p. 211-218.