Serge Ritman
je volubile ton dire silencieux
(racontage)
pour les « chercheurs à la peau tendre* »
d’abord :
c’est le saisir qui ouvre
ou c’est fermer
quand au début on dit
on dit rien mais
tiens je te
main en main
ou c’est la bouche
et les yeux au loin
sidérant les yeux
comme si le ciel
c’est le saisir qui retient
alors ça coule ailleurs
comme des larmes ou
l’eau en fuite
un cœur pleure
sans le dire seul
des croix ou des Mantegna tout allongés
pour rien mesurer mais
considérer
je me tais et t’offre
à qui veut des ruines au point
du jour
nos constellations
ensuite :
une confusion en foison
sans ta boucle
naissante et je t’appelle
sous les mots ou paronomases
rien que du destin
des tresses au bout des histoires
tu me racontes
au milieu du bleu
une buée de parenthèses
tu ouvres nos bégaiements
sous ta jouissance je perds
ma respiration tu me meurs
dans tes cris tous mes discours
se perdent
et je bois ta marée haute
des heures disparues
tu pèses je range en lignes
ce paradis de poussière
à ne jamais te choisir
puisque je disparais dans tes
assonances
tu cites des points de départ
et tu tournes autour
des déliés ces liaisons
peut-être même que
les doigts saignent comme
ta bouche avale
ma langue coupée
avec tout ce que je n’ai
plus à dire
tes volutes d’écritures
mes débuts d’effacement
car c’est nous sommes
des débutants qui s’efface
ou l’usure alors
sauf si sans fin tu répètes
une ritournelle le pompon
du recommence refais-le
c’est ton tour et je tourne
autour d’un brise-glace
au tableau noir cette craie
crisse un commence dans la fente
de nos peaux rouges
enfin :
si c’est Chassiron le phare
de nos amers où ça coupe dans les histoires
de voix perdues
en vacillements de bouche en bouche
alors le jour lève le vent
de nos ailes ou les fées racontent quoi
tu sais me rejoindre
sans jamais ouvrir
les yeux nous voguons sur
une mer et des vagues sans cesser
nos mains sinuent en silence
les blancheurs des clartés
dans l’écume de ton sel
j’échoue en coque rouillée
sur tes cartes
marines de nos pays bas
et autres contes qui montent
jusqu’à dire encore
aux naufrages de ton bras
pour compter les larmes
ces petits ronds qui chassent
un reflet de croyance
ta nudité au fond
de l’œil qui luit
tu fais ma nuit
et si j’écrivais que ta fente
me coupe en deux
tes doigts caressent les pointillés
de toutes les émasculations
je dessine aussi ici
tes seins
alors nous crions fort
l’un dans l’autre renversés
toutes les images s’effacent
nous vivons contre
toutes les tortures des siècles
et des siècles
the end of THE END of the end :
dans le tournant sans parapet
entre Gaza et Castellane
où c’est dans un nu bleu à Antibes
contre les signes
à la vie à la mort d’en jamais
finir nos commencements
quand un argument tue
les regards pour
s’oublier
j’ai pissé dans le tournant
tout mon vertige
t’emporte
un adieu c’est ton rêve
qui m’écrit sans voix
les enfants meurent chaque
jour sous les bombes de satisfaction
j’ai pissé
pour rire pas comme
il faut de nos erreurs et
tu danses dans les silences
de ma voix qui attend
the end of THE END of
the end
ante-post-scriptum :
les paroles avec leurs silences et tous leurs gestes
devraient non pas rester en enfance mais poursuivre leur naissance d’enfance
cette innocence qui prend au mot c’est-à-dire au corps à l’élan à l’aveuglement
vertigineux de ne pas savoir mais d’aimer sans compter parce que le jour est
comme l’air enivrant le trop de l’oubli actif découvrant ici l’ailleurs d’être
les poèmes hésitent et il faudrait qu’ils rient de ces
poursuites qui se cassent la gueule autant de défis à cette permanence
culturelle des assis de la poésie ceux qui savent trop bien où ils en sont et
avec qui je viendrai au fond de la salle des prix de fin d’année pour toujours
repartir bredouille avec dans mon dos une marque au fer rouge que le poème ne
cesse de creuser : de l’air
post-scriptum :
et ma bouche ne cesse de se faire entendre quand tes lèvres
embrassent ce feu dans mon dos alors tu me renverses toute retenue dans ma
volubilité
à toutes profondeurs**
*Berlinde De Bruykere
**Nicolas de Staël
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