ci-dessous, l'entretien avec Cécile Guivarch :
Comment travailles-tu tes écrits ?
Ils me travaillent plus que je ne les travaille. Je n'ai pas de métier autrement que celui de vivre dès que j'écris. Il me faut même défaire tout ce que je fais professionnellement (enseignant, chercheur, essayiste) - ce qui ne veut pas dire rejeter ou rompre mais trouver un continu qui transforme ces autres activités en augmentant la part d'inconnu que le poème m'invente. Mais je ne sais jamais si c'est poème: c'est lui qui sait et donc la relation qu'il engage avec moi, avec les autres car sa force c'est de continuer, de me continuer en plus vivant. J'avoue que ce n'est pas toujours mais que sans cela je ne serais pas qui je suis : je suis (suivre) ce poème qui me traverse, m'emporte, me travaille.
Ils me travaillent plus que je ne les travaille. Je n'ai pas de métier autrement que celui de vivre dès que j'écris. Il me faut même défaire tout ce que je fais professionnellement (enseignant, chercheur, essayiste) - ce qui ne veut pas dire rejeter ou rompre mais trouver un continu qui transforme ces autres activités en augmentant la part d'inconnu que le poème m'invente. Mais je ne sais jamais si c'est poème: c'est lui qui sait et donc la relation qu'il engage avec moi, avec les autres car sa force c'est de continuer, de me continuer en plus vivant. J'avoue que ce n'est pas toujours mais que sans cela je ne serais pas qui je suis : je suis (suivre) ce poème qui me traverse, m'emporte, me travaille.
D'où vient l'écriture pour toi ?
De très loin et de très près. L'écriture vient comme si quelqu'un d'autre me disait d'écrire, de l'écrire. Et c'est souvent comme des voix qui me hantent : elles viennent de lectures ou de gestes qui se reprennent dans ma main, tout mon corps - les dix doigts raidis, les yeux troublés, le corps asphyxié si l'écriture n'emporte pas le corps et tout ce qu'il porte (esprit, âme, inconscient, pensée, chant,
rythme...) dans un continu du vivre-écrire. Et donc de très près :
les circonstances ou ce qui compte comme l'air et c'est l'amour de qui ne cesse de me toucher, et c'est les rencontres de qui ne cessent de me bousculer, et c'est le monde qui multiplie mes distractions, mes digressions. De très loin et de très près, l'écriture me fait découvrir l'océan dans les remous d'un fleuve volubile où je plonge ma retenue. Je suis nu et j'ai peur mais c'est emporté que j'aime vivre en tombant dans les bras de ce qui m'arrive.
Quelle est ta bibliothèque idéale ?
Elle n'existe qu'à se recomposer chaque jour : les reprises sont infinies comme les dérangements. J'écris certainement beaucoup en marge et donc je lis aussi beaucoup en marge avec toujours du retard où les piles s'effondrent et font apercevoir l'inconnu de ce que je croyais avoir lu. J'ai des engouements où je lis tout un auteur et puis je l'enferme pour qu'un beau matin il me réveille dans le livre d'un autre. Une phrase de Proust m'a fait commencer. Ponge m'a subjugué au point de ne plus écrire. Bernard Vargaftig m'a ébloui.
Bernard Noël et Henri Meschonnic m'ont imprégné. Je réponds au même moment les écritures d'un ami, Philippe Païni, et d'un Ovide en passant bien sûr par mon cher Ghérasim Luca (ces trois là ont à voir ensemble chez moi; je pourrais évoquer bien d'autres constellations).
J'écris presque toujours comme en correspondance. J'aime Marina Tsvetaïeva et tout ce qu'elle aime : Pasternak, etc. J'aime sa grande traductrice malheureusement disparue très tôt : Eve Malleret.
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