« Relire Critique du
rythme en 2012 », Triages n° 24, Saint-Benoît-du-Sault, éditions Tarabuste,
p. 123-128.
Nota Bene: comme la revue n'a pas publié les notes de bas de page certes nombreuses, je donne ci-dessous le texte intégral avec ses notes.
Relire Critique du rythme (1982) en
2012
par Serge
Martin
Seul le poème peut nous mettre en voix, nous
faire passer de voix en voix, faire de nous une écoute.
Henri Meschonnic[1]
Laurent Jenny rendant
compte du livre de Philippe Jousset, Anthropologie du style, double son commentaire critique d’une (reprise de) lecture de Critique
du rythme d’Henri Meschonnic, en associant les deux
livres parce que « l’appel à une anthropologie du style a toujours le sens
d’un combat contre la rhétorisation du style[2] ».
Jenny ajoute que cette anthropologisation « par les littéraires […] constitue
une auto-injonction à restituer au style littéraire une valeur non seulement sémiotique
mais aussi créative et pragmatique ». Toutefois, il reproche à l’un et à
l’autre de ne pas « dépasser un stade purement programmatique » et en
conclut qu’ils « rencontrent sans doute le même type d’impasses ». Il
est intéressant d’observer de près ce que Jenny (re)lit de Meschonnic « au-delà
de plus d’un quart de siècle d’histoire » et dans « une époque théorique
différente ». Trois reproches se succèdent : le « manque de
progression argumentative » qui relèverait d’une incapacité à conduire
jusqu’au bout le programme fixé, c’est-à-dire de fournir une méthode à la théorie ;
inscrit dans une pensée du continu et nourri de « présupposés
monistes », la théorie de Meschonnic résoudrait les dualismes « par
un trait d’union synthématique […], relevant plus de l’incantation de
continuité que de son articulation conceptuelle » ; enfin, l’échec à « faire
se rejoindre » signifiance et sens puisque la signification aurait été dédoublée
« en deux régions » qui contrediraient l’hypothèse continuiste et
moniste et empêcheraient toute méthode compréhensive au risque même de
promouvoir l’insensé. Jenny ne manque pas de cohérence d’autant plus qu’il vise
« une stylistique phénoménologique » qu’accompagnerait « le développement
de sa méthode ». Toutefois, il me semble que Jenny ne lit pas de très près
Critique du rythme en usant d’une méthode critique
fort contestable puisqu’il défait la « progression argumentative » de
Meschonnic. En effet, les deux citations qu’il relève (p. 98 et p. 102) pour
attester chez Meschonnic de la construction d’un « sub-symbolique »
ou d’« une sorte de pré-sens dépourvu lui-même de sens, une
"signifiance" suspendant tout signifié, un sujet d’avant le
sujet », sont très clairement sorties de leur contexte. Elles montrent que
Jenny se refuse à considérer les problèmes que Meschonnic entretient en regard
et de l’herméneutique dont Jenny se réclame naturellement et de la phénoménologie
que Jenny revendique comme épistémologie de la critique littéraire. Certes
Jenny engage une critique (des lectures) de Merleau-Ponty dont la réflexion sur
le langage « est restée inachevée » d’autant que sa « philosophie
du style n’est pas une stylistique », au sens d’une « méthodologie
du style » puisque Jenny veut que « description » et « formalisation »
servent à élaborer une méthode.
Jenny prend donc appui sur deux courts
extraits du long essai « L’enjeu de la théorie du rythme » (p.
65-115) pris à sa septième section (« Le rythme avant le sens », p.
98-105) qui précède la dernière (« 8. Le discours, non la langue »)
dans Critique du rythme, où il ne faut pas prendre
le titre comme une définition arrêtée du rythme – il n’y en a d’ailleurs jamais
dans l’œuvre de Meschonnic qui sait très bien comme le rappelle Jenny à
l’encontre de Charles Bally et de la « nouvelle doxa théorique » en stylistique que la modélisation ou « la réduction
stylistique nous fait glisser de la variation à la variante » perdant
avec le « symptôme d’appartenance » la vertu du « processus de
sens ».
Après avoir ancré le processus de
subjectivation dans l’attention à l’individuation dans et par le langage et en
ayant refusé le cadre fonctionnaliste qui déshistoricise les processus
d’individuation et ignore les fonctionnements au profit d’universaux,
Meschonnic fait un rappel très éclairant des modes de l’antériorité que le
rythme a toujours suscités en regard des processus de signification et par conséquent
d’individuation dans le langage. Avec la notion de rythme, tout le travail de
conceptualisation est un travail de dissociation – du rythme et du mètre, entre
autres : or Jenny se contente de reprendre des énoncés qui identifient des
définitions du rythme que Meschonnic ne reprend pas à son compte puisqu’il précise
bien qu’« il y a à distinguer deux antériorités ». Aussi Meschonnic défait-il
la critique de Jenny puisqu’il dit lui-même qu’« étant du discours, [le
rythme] n’est pas antérieur au discours particulier où il est un autre du sens.
S’il y a une antériorité du rythme, elle précède le sens des mots, mais non les
mots eux-mêmes. Antériorité seulement à la priorité habituelle du sens »
(p. 99). Mais Jenny masque ainsi par sa non-lecture de la progression
argumentative le fait qu’il ne veut pas changer de théorie du sens, laquelle
est arrimée à l’herméneutique qui effectivement vise l’interprétation quand
Meschonnic veut répondre du fonctionnement continué des œuvres – ce qui n’est
pas du tout le même point de vue sur la littérature et la société. La démarche
de Meschonnic n’intègre pas une analytique de la description explicitant sa méthode
quand un peu plus loin il montre que sa recherche est d’abord une critique qui
travaille son rapport à ce qui l’engage : « Avant les mots, avant la
compréhension du sens, avant l’individu, et pourtant dans son discours, le
rythme est l’involontaire » (p. 101). La conjonction renversive (« et
pourtant ») relance le problème jusqu’à sa reformulation : « c’est
la parabole à théoriser de l’inconnu dans le sujet, que fait le poème, le
rythme » (p. 102).
Jenny se refuse à voir que « le
rythme » n’est pas un élément du fait littéraire qui participerait éventuellement
d’une prise méthodologique dans une compréhension-interprétation. Pour
Meschonnic, le rythme est un opérateur de la pensée du langage et même un équivalent
de la visée non d’un discours sur mais d’un
discours avec, dans et par, le poème puisque l’apposition ici est bien autre chose que ce que
Jenny signale comme un exemple de la « chaîne de synonymies » qu’il
lit chez Meschonnic pour suggérer un impossible de la théorisation parce
qu’aucun concept n’y serait stabilisé. Puisque Jenny reproche à Meschonnic de
poser le rythme comme antériorité, ce dernier répond justement que « le
rythme est de tout le discours, et de tout discours, comme le sens » (p.
109), après avoir observé chez Valéry une telle « antériorité sans contrôle »
qui « l’a mené à une sémantique de l’ambiguïté » et à « une théorie
négative du sujet » qui « tourne court » parce qu’elle se
cristallise dans l’impersonnel du il s’achevant
dans une hétérogénéité essentialisée de l’histoire et de la poésie.
Aussi, me semble-t-il, Jenny ne veut pas considérer le fait
que, dans l’argumentation de Meschonnic, le rythme comme « disposition,
organisation de la signifiance » (p. 115) ne se conceptualise qu’en
reconnaissant l’historicité des discours, y compris du discours sur le rythme où
la critique en dit plus long sur son propre discours que sur son objet. Jenny
assimile la théorie à la recherche d’une méthode quand Meschonnic ne cesse de
travailler à « une théorie » qui « est une recherche de la théorie.
Elle ne peut absolument se confondre avec une théorie,
quelle qu’elle soit » puisque, pour lui, « une poétique du discours
est un inaccompli théorique » (p. 33).
C’est dans cet « inaccompli » qu’il
est possible de continuer à travailler à une pensée du poème toujours à
historiciser et non à une méthode qui forcméent aboutir à déshistoriciser la
pensée et le poème avec. Si le « rythme » n’est pas une méthode mais
qu’au contraire, parce que « la signifiance est infinie », « le
primat du rythme contribue à situer le sens dans la non-totalité, dans la non-vérité,
dans la non-unité », j’aimerais poursuivre cet « effet critique »
(p. 272) en le déplaçant dans le travail d’historicisation de ma propre
recherche : du langage à la voix comme prise plus forte et certainement
plus serrée bien que l’extension y apparaisse aussi infinie avec la relation[3].
Comme pour Meschonnic, « l’effet critique » ne cesse de jouer et
d’obliger à tout reconsidérer, à tout (re)commencer. On pourrait dire que c’est
une illusion de la recherche qui ne consiste qu’en reprises, mais on peut aussi
hypothéquer que c’est sa chance de ne jamais oublier qu’elle doit travailler sa
situation, interroger ses présupposés, observer ses conséquences. La critique
n’est pas la revendication d’une méthode – ici je ne me revendique pas du « rythme »
– mais l’attention à l’historicité du langage et de la relation. Elle ne
cherche pas des applications mais éveille des expériences. Elle ne se satisfait
pas du connu mais rebondit avec l’inconnu. Enfin, la critique des dualismes qui
nourrissent fréquemment la pensée du langage et de la société, ce qu’on a
coutume d’appeler les sciences de l’homme, n’aboutit pas, comme le prétend
Jenny, à l’impasse du monisme quand l’empirique, qui « dans son historicité »
est « irréductible au tout en deux » (p. 715), comme le rappelle
Meschonnic, ne l’est pas plus au tout en un. Voix
et relation même « synthématisé » ne font
ni un ni deux et pas plus un troisième terme issu d’une quelconque
dialectique : leur interpénétration même n’est possible que dans et par
leur historicité à l’œuvre, en œuvres de langage, en poèmes dans l’infini de
leur réénonciation, de leurs voix et relations, d’un inconnu toujours à venir
dans cette interpénétration même. C’est tout l’enjeu d’une critique de la voix
et de la relation.
Le dialogisme du poème : l’écoute
Dans un collectif consacré aux « pratiques
du discours solitaire au théâtre[4] »,
les contributeurs notent tous que « le monologue s’avère bien un objet
complexe » et plus précisément le « monologique » s’y trouve
souvent « lui-même dialogisé, c’est-à-dire pouvant s’éclater non pas dans
le resserrement d’une contradiction mais dans l’expansion de multiples voix
internes ». Et très directement, les deux directeurs du collectif
signalent sans toutefois le préciser qu’ils sont en contradiction avec la doxa bakhtinienne puisque « loin d’être "un", le monologue
se révèle protéiforme ; loin d’être une simple forme canonique, il se révèle
paradoxal et transgressif, repoussant sans cesse les frontières qui pourraient
le définir […] ». Exemplairement, je retiendrai la simple et directe
formule du dramaturge Jean Delabroy confiée à Françoise Dubor[5] :
« On est constitué de voix… » où s’entend multiplement la
pluralisation à l’œuvre dès que voix et plus avant « l’invention déchirante
d’une voix », de toute voix, sa pluralité constitutive.
Il est alors nécessaire de rappeler la « critique
du monologue[6] » engagée
par Meschonnic puisque, plus particulièrement depuis Bakhtine[7],
« la logique extrême de l’opposition entre la prose et la poésie a fait de
la poésie un monologue, et de la prose, matière du dialogue, et du roman[8] »
(p. 447). Aussi, je me contente de rappeler que pour Meschonnic, le monologue « n’est
pas plus solitaire que l’individu n’est asocial. Le dialogisme est de tout
le langage[9] » (p. 454). Ce principe dialogique comme universel du langage
n’est donc pas propre à la littérature mais il implique particulièrement quant à
celle-ci le continu de l’énonciation à la socialisation, comme activité
relationnelle construisant le rapport social ou le commun, et « l’inter-subjectif
essentiel au langage », c’est-à-dire le fait qu’il n’y a « pas de poésie
du je qui ne soit par là-même une poésie du tu, de la réciprocité qu’est la personne » (p. 455) [10].
Aussi Meschonnic rappelle-t-il ce qui peut-être est valable pour toute œuvre
littéraire comme relation dialogique intersubjective et transsubjective :
Le dialogisme du poème est à la fois une
position du sujet de l’énonciation et du sujet de la lecture, tous deux
mutuellement impliqués d’une manière que le poème invente, qui lui est propre.
(p. 456)
Un tel dialogisme n’engage aucune typologie ou
topologie puisqu’il s’agit plus d’un principe actif, d’une force[11]
ou encore de l’interpénétration qu’évoquait Humboldt[12].
Et quand Meschonnic pose qu’« un poème convoque directement un dialogue.
Il le présente sans le représenter » (p. 456), une telle remarque ne se
limite pas au genre, la poésie, mais demande d’être historicisée chaque fois en
poésie ou en roman, voire en théâtre et partout ailleurs comme « la
question même de l’altérité », « le délitement de cette notion
unitaire d’identité, et conséquemment de la notion même de personnage, et du présupposé
d’une définition fictive de la persona représentée,
ainsi comme disloquée sous le flot d’une parole s’auto-engendrant », ainsi
que le résument Dubor et Triau pour ce qui concerne le monologue au théâtre[13].
Il ne faudrait toutefois pas confondre un tel
principe dialogique avec certaines manifestations du retour du sujet en littérature
voire du retour de « l’Autre », ce qu’on a pu appeler « le pôle de
l’altérité[14] ». Aussi, avec ce premier point d’appui sur la Critique du
rythme, j’associerai volontiers non « la question
même de l’altérité » ni « la question du sujet » mais « le
primat de la subjectivité » (p. 498) dans les œuvres comme subjectivation
relationnelle au travail dès que poème.
La subjectivation avec le poème : la
relation
À l’occasion d’une réflexion sur la voix,
Meschonnic se risque décisivement à une théorie du sujet dans et par le
langage. Auparavant, l’ancrage dans une théorie du discours référée
principalement à Benveniste mais également à sa propre activité de poète et de
traducteur, a permis de défaire « l’ancienne tripartition » (« qui
mettait le lyrisme dans le je, représentait le
drame avec le tu, renvoyait l’épopée au il ») en posant que « le je est
l’impersonnel subjectif, étant, outre la "première" personne, l’échange
de la fonction de sujet » (p. 102) [15].
Cet ancrage décisif est intervenu au moment même où « le structuralisme
est allé vers l’oubli de la voix[16] »
(p. 275). Certes depuis lors, on aurait largement retrouvé la voix – j’y
reviens dans cette première partie –, sans toutefois lui donner sa force
critique et souvent même en ignorant la relation qui la constitue. Meschonnic
l’écrit en 1982 – et c’est le départ de toute ma recherche : « La
voix est relation » (p. 294). Je tente ici de dissocier et de recroiser
ces deux notions dans bien des travaux et études littéraires qui ces dernières
années se recentrent sur la voix[17]
en oubliant souvent Critique du rythme.
Au premier abord, cette étude de Meschonnic
est une approche historique puisqu’il s’intéresse aux traditions du dire, comme
rapports entre la voix et la diction, comme test d’une oralité à l’œuvre dans
le discours et donc d’une subjectivation :
La voix et la diction, dans leur rapport nécessairement
étroit, découvrent ceci, que la voix, qui semble l’élément le plus personnel,
le plus intime, est, comme le sujet, immédiatement traversée par tout ce qui
fait une époque, un milieu, une manière de placer la littérature, et particulièrement
la poésie, autant qu’une manière de se placer. Ce n’est pas seulement sa voix
qu’on place. C’est une pièce du social, qu’est tout individu. Tous les
dualismes se retrouvent dans la voix. Ils se ramènent essentiellement, pour et
par le poème comme révélateur, au dualisme de l’intériorité et de l’extériorité,
à l’opposition, qui n’est peut-être pas une contradiction, entre l’auteur et le
lecteur. (p. 284-285)
Comme souvent chez Meschonnic, le phrasé
permet une tenue des interactions qu’il est parfois difficile de suivre mais
indispensable de redéployer. La relation nécessaire de la voix à la diction est
immédiatement déplacée ou plus emblématiquement portée par la relation de la
voix au sujet, lesquels sont consubstantiels : plus il y a de voix et plus
il y a de sujet ou plus il y a d’attention à la voix et plus il y a d’attention
au sujet et inversement. Si l’antinomie de l’individu et du social est ensuite
récusée au profit d’un continu dont la voix témoigne parce que l’individuation
y est fondamentalement sociale comme chez Marcel Mauss significativement évoqué
par Meschonnic[18], c’est
aussi la série des dualismes qui généralement s’en suivent et d’abord celui de
l’intériorité et de l’extériorité ou pour le dire autrement, dès que littérature,
le topos de l’expression si ce n’est de
l’expressivité qui se voient également contesté. De même l’opposition de
l’auteur au lecteur et donc les catégories depuis lors fondatrices de doxa telles que « l’horizon d’attente[19] »
ou plus anciennes autour de l’inspiration, sont également contestées, du moins
révélées par la relation forte de la voix au poème comme autant de représentations
culturelles d’époque. Il n’y a pas la prétention à définir la voix autrement
qu’en travaillant sans cesse à ce qui en fait le fonctionnement dans les œuvres :
son continu avec le sujet, le rythme, la prosodie. Mais chez Meschonnic il y a
aussi cette attention forte aux historicités, qu’il s’agisse des aires
culturelles et linguistiques les plus diverses, et concomitamment la visée
anthropologique d’un universel du langage. Ce qu’il met en valeur vers la fin
de son étude où à la fois il part de l’évidence mais en transforme la portée :
La voix unifie, rassemble le sujet ; son âge,
son sexe, ses états. C’est un portrait oral. On aime une voix, ou elle ne vous
dit rien. Éros est dans la voix, comme dans les yeux, les mains, tout le corps.
La voix est relation. Par la communication, où du sens s’échange, elle
constitue un milieu. Comme dans le discours, il y a dans la voix plus de
signifiant que de signifié : un débordement de la signification par la
signifiance. On entend, on connaît et reconnaît une voix – on ne sait jamais tout ce que dit une voix, indépendamment de ce qu’elle dit. C’est peut-être
ce perpétuel débordement de signifiance, comme dans le poème, qui fait que la voix peut être la métaphore du sujet, le symbole de
son originalité la plus « intérieure », tout en étant historicisée.
(p. 294)
L’évidence comme sens commun a sa propre
validité, nous rappelle Meschonnic, mais la poétique est le travail de
transformation de ce savoir en un non-savoir dont l’activité est source d’une
valeur autrement plus décisive. En effet, le modalisateur hypothétique (« peut-être »)
réalise ici comme bien souvent ailleurs dans les textes de Meschonnic la
dissociation et le recroisement notionnels : « le débordement de
signifiance » est l’opérateur qui permet de modifier à la fois la
conception de la voix et celle du sujet qui auparavant construisaient le sens
commun. L’intériorité est devenue un passage de sujet. L’originalité n’est plus
une essence mais une force : « la voix est une force, autant qu’une
matière, un milieu. Elle a une efficacité. Comme la signifiance du rythme et de
la prosodie. Elle est à la fois naturelle et dépasse l’entendement » (p.
294). Meschonnic élargit ainsi considérablement l’attention qu’il faut apporter
à ce que fait la voix à la littérature et plus généralement au langage par le
poème : non seulement il fait le pari de rester à l’écoute de ce qui est
souvent de l’ordre de l’imperceptible relationnel – « le lien qu’on ne
voit pas est plus fort que celui qu’on voit[20] »,
écrit-il dans un de ses derniers ouvrages – mais il oblige à concevoir le
continu de l’activité de la voix sans jamais séparer ce qui la constitue, ce
qu’elle constitue et ce qui même la porte plus loin qu’elle-même.
L’épopée et la voix : la relation de la
relation
C’est précisément à ce point de basculement
que commence mon troisième point d’appui pour une théorie de la voix à partir
de la Critique du rythme après celui du dialogisme
et celui du sujet relationnel : celui de la relation de relation.
La dimension pragmatique de la voix est bien
connue des ethnologues[21]
mais on ne peut la réserver à une préhistoire de l’oralité[22].
Mallarmé savait qu’une « divination » porte le texte dès que poème :
« L’air ou chant sous le texte, conduisant la divination d’ici là, y
applique son motif en fleuron et cul-de-lampe invisibles[23] ».
Autrement dit, « l’historicité de la voix inclut celle de l’écriture »
et pas seulement celle des parlés ou des dictions, et Meschonnic y
insiste : « Tout ce qui déshistoricise l’une, déshistoricise
l’autre » (p. 296). C’est pourquoi l’oralité
constitue un enjeu décisif : sa théorisation comme sa pratique et son écoute,
son anthropologie comme sa poétique et sa politique. C’est là que les déshistoricisations
sont en permanence au travail pour éviter d’effectuer un « saut épistémologique »
décisif qui, pour Meschonnic, passe par le fait que « le rythme comme sémantique,
et oralité, est une subjectivation spécifique du langage » (p. 660). L’incise (« et
oralité ») est ici décisive pour la théorie et la pratique de la voix avec
le poème : hors de tout physiologisme parce qu’activité de l’ordre d’une sémantique,
Meschonnic pose que « la voix, non la respiration, est la matière de
l’oralité » (p. 660). Alors la voix revient, par le poème, au langage, au
corps-langage. Elle en est l’activité constitutive. À une condition décisive,
celle de « travailler à sa narrativité propre. À sa prose » (p. 504),
précise Meschonnic.
Il ne s’agit pas pour autant, de rendre la
voix du poème au récit ou à son narrateur. Partant du rapport décisif entre le
dit et le dire et donc entre la voix et l’épopée que rappelle Meschonnic à partir de ses traductions bibliques mais
aussi en prenant appui sur le début du De Interpretatione d’Aristote (non « les sons émis par la voix » de la
traduction de Tricot[24]
mais « ce qui est dans la voix »), il ouvre à la notion de récitatif
ou de phrasé que peut-être celle de « racontage[25] »
élargit non vers une éventuelle réception mais vers une activité relationnelle
de la poéticité, croisant la vocalité et l’écoute dans une histoire de passage
de voix ainsi que Walter Benjamin l’a esquissée dans son étude sur Leskov[26].
Toutefois Benjamin par le ton apocalyptique qu’il aime donner à ses études tire
cette « narration » vers le muthos qui,
comme le rappelle Meschonnic, « chez Homère, désigne le contenu des paroles » quand ce dernier engage l’epos, la voix au sens où « les epea sont
les paroles de l’épopée[27] ».
Il me semble toutefois qu’il y aurait erreur à dissocier le dit du dire tout en
sachant bien que la critique de Meschonnic est décisive et que le primat du
dire est au principe même du poème comme activité transsubjective et même
hypersubjective. Si l’epos doit emporter le muthos, c’est peut-être par ce que j’aime appeler la relation de la relation
où les sémantiques actives de la narration, qu’il faut bien entendre comme un déverbal,
et du rapport intersubjectif s’augmentent mutuellement.
Ce troisième point d’appui exclut par conséquent
tout héroïsme du sujet pour lui préférer jusque dans sa faiblesse, sa déhiscence
même, la voix comme invention d’une oralité, relation de relation, sujet
devenant sujet par un autre sujet dans et par la « prose en action, et non
en récit », comme disait Boris Pasternak, c’est-à-dire comme l’indique
Meschonnic, « passage du "fait organique", du vivant, dans le
langage[28] »
(p. 460-461). Passage de voix et voix passante : relation de relation. Ou
encore, voix dans la voix car l’interaction la plus forte de la relation
narrative et de la relation intersubjective est la condition d’une
pluralisation interne de la voix, de son échoïsation au sens donné par l’hébreu
pour lequel l’écho est la fille de la voix[29].
Une seule parenthèse de Mallarmé, dans son « autobiographie » à
Verlaine du 16 novembre 1885, rejouerait cette dernière métaphore étymologique :
« (à côté de mon travail personnel qui, je crois, sera anonyme, le Texte y
parlant de lui-même et sans voix d’auteur[30]) ».
Cette confidence, dans une notice biographique envoyée au poète des Romances
sans paroles, pointe le continu du personnel et de
l’anonyme pour faire entendre l’écho de ce qui reste sans voix… Mais « le
Texte » n’est-il pas pure oralité ?
Le poème, la forme : la voix, la vie
Si Critique du rythme depuis sa publication en 1982 constitue un opérateur décisif pour la
pensée du poème, c’est qu’il rassemble sous la pointe la plus critique, la
notion de rythme – cette prise critique à partir d’une notion véhiculaire
souvent laissée à l’impensé –, un mouvement de conceptualisation qu’avait
commencé l’ensemble des publications de Meschonnic chez Gallimard depuis 1970
et que cette « anthropologie historique du langage », dont c’est le
sous-titre, permettait alors de relire comme une expérience théorique
d’envergure. De la « forme-sens » qu’on oublie d’accoupler à la « forme-histoire[31] »
au rythme, c’est une critique du signe qui s’est écrite dans et par l’activité
inlassable d’un grand lecteur, passant au crible les publications de maints
domaines, et d’un poète et traducteur pensant ses expériences multiples comme éléments
de cette anthropologie historique du langage. Toutefois, c’est dans son
prolongement que la notion de poème a relancé le
mouvement de conceptualisation dans un ouvrage qui a pris le titre éponyme[32]
d’une préface non publiée à la traduction des poèmes de Marina Tsvetaieva par Ève
Malleret[33], une
participante au séminaire de poétique que Meschonnic dirigeait à Paris
VIII-Vincennes et qui partageait avec ce dernier une même connaissance et
certainement une même passion pour le domaine russe. Ce dernier est pour
Meschonnic, s’agissant particulièrement de poésie, le témoin d’un « ratage »
(p. 261), d’un « non-rapport » (p. 260) entre deux traditions, la
russe et la française. Je laisse ici toute la réflexion sur « ce
non-rapport » qui « ne préjuge pas des possibles » : « le
retard de la bouteille à la mer » que Meschonnic avait senti avec
Mailleret et qui s’est depuis lors confirmé avec bien des travaux de
retraduction, de relecture et de reconsidération mutuelles entre les deux
domaines culturels et linguistiques russe et français[34] :
il semble bien que désormais nous ne nous arrêtons plus « à une
information sans voix » (p. 266). Et je retiens donc l’exemple au sens
presque de la légende que Meschonnic montre avec la poésie de Tsvetaieva qui
effectue « un débordement de la tradition par outrance » puisque dans
ses poèmes, « la rime mange les mots » (p. 266) ou encore, « l’air
porte les paroles » (p. 267) – remarque que Meschonnic tient certainement
de sa lecture de Clio de Péguy. Mais ici je me
contente de signaler seulement ce qui va permettre une poussée du « poème »
dans la conceptualisation. Meschonnic note d’ailleurs qu’« en prose comme
dans les vers », chez Tsvetaieva, « c’est une pensée par la rime, de
rime en rime » (p. 269) ; c’est-à-dire que « la rime finit par
devenir non plus matière seulement, mais sujet du poème » (p. 270).
C’est pourquoi, comme « Tsvetaieva est une figure de la poésie où la rime
et la vie se sont rejointes en une même matière de langage » (p. 270),
Meschonnic arrive à cette formulation décisive : « La rime-rythme
apparaît comme une forme de vie » (p. 271). Cette formulation se renverse
plus loin en celle-ci, montrant le continu d’une matière et d’une forme, l’une
dans et par l’autre : « La rime-vie fait de la vie une écoute »
(p. 272). La glose immédiatement antérieure (« La poésie et la vie dans une indistinction antérieure
à leur séparation, et qui pourtant passe par la technicité du langage »,
p. 272) prépare la conclusion que cet essai a progressivement construite :
« La rime est une éthique » (p. 273). Car c’est par cette tautologie
(je renverse la formule : l’éthique du langage, c’est la rime) issue de
l’empirique du poème-Tsvetaieva dont le « cri » (p. 268) n’est pas
sans échos et résonances dans le poème-Meschonnic, que la pensée Wittgenstein
abouchée à la pensée Humboldt a permis à Meschonnic la formulation sans cesse
rejouée de ce que fait un poème dans son anthropologie historique du langage :
« une forme de vie transforme une forme de langage, une forme de langage
transforme une forme de vie, les deux inséparablement[35]. »
C’est en effet par Wittgenstein[36]
que les notions de « formes de vie » (Lebensform) et de « jeux de langage » ont été associées : « se
représenter un langage signifie se représenter une forme de vie » (§ 19) et « le parler du langage fait
partie d’une activité ou d’une forme de vie » (§ 23). D’aucuns font
osciller la notion de forme de vie du naturalisme au culturalisme et
inversement en considérant deux niveaux ou deux faces de la notion, ce qui
revient à maintenir un dualisme anthropologique hors langage alors même que
l’intention est de dépasser l’antinomie traditionnelle que beaucoup renforcent
en choisissant un terme contre l’autre[37].
Ce que ne fait pas Meschonnic. Le point de vue qu’il engage dans son
anthropologie n’est pas celui de la représentation, du schème signiste, mais
celui de l’activité transformatrice et donc du paradigme du discours : « le
langage pris comme du continu, comme une physique du signifier, est d’abord
oralité » (p. 243) ou autrement dit, « le je généralisé comme organisation de discours,
son historicité radicale » (ibid.). C’est donc comme « forme-sujet » que le
poème invente une interpénétration des formes de vie et des formes de langage,
où la forme de vie fait langage et la forme de langage fait vie, que Meschonnic
oblige à penser le spécifique de cette activité au cœur d’une anthropologie
relationnelle :
C’est pourquoi, pour penser la poésie, le poème,
il y a à repenser tout le langage, et tout le rapport entre le langage, l’art,
l’éthique et le politique. Le continu. Le rythme. Le sujet du poème. La pensée
poétique comme transformation de la poésie par le poème, forme-sujet.[38]
Ce qu’il faut reprendre à son principe
actif : un universel que l’empirique ne cesse de travailler, de
multiplier, de porter à une dimension d’infini par ce qui « échappe » :
Parce qu’il s’agit toujours de signifiance avec
le langage. Même et peut-être surtout quand le sens échappe, ou qu’il est
perdu. Ce qui échappe est une force. Cette force est du sujet. Une historicité.
Parce qu’elle est nécessairement le passage d’un sujet à un autre sujet, ce qui
les constitue sujets. Faisant du poème l’allégorie du sujet[39].
Aussi, la voix-relation comme poème est-elle
peut-être aussi l’allégorie de ce que Dominique Rabaté limite au « roman
moderne » mais que j’étendrais à toute « grande forme
globalisante » – qui ne se mesure pas au nombre de pages ou à quelque
autre unité discrète – faisant apparaître ce qu’il appelle « le sens de la
vie » :
[…] la possibilité de continuer avec endurance à
donner une forme à ce qui résiste du côté de l’informe et du chaos, à inventer
de nouvelles configurations pour ce qu’aucun regard ni aucune langue ne
sauraient arrêter[40].
[2]. L. Jenny, « Une difficulté dans la pensée du style », Critique n° 752-753 (« Du style ! »), Minuit, janvier-février
2010, p. 36-46. Cet article rend compte du livre de Philippe Jousset, Anthropologie
du style, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux,
2008. Je me contente dans ce qui suit des remarques de Jenny concernant Critique
du rythme (Lagrasse, Verdier, 1982) puisque Jenny y
consacre presque la moitié de ses remarques et qu’il rappelle sa récente
reprise en poche, signalant donc son « actualité ». Toutes les
citations de Jenny renvoient à ces pages. Les indications de pages entre
parenthèses renvoient à Critique du rythme.
[3] Je me permets de rappeler les deux ouvrages issus de ces premiers
travaux : L’Amour en fragments. Poétique de la relation critique (Arras, Artois Presses Universitaires, 2004) et Langage et
relation. Anthropologie de l’amour (Paris, L’Harmattan,
2005).
[4]. F. Dubor et C. Triau (dir.), La Licorne n°
85, revue citée. Les citations qui suivent renvoient à l’« Avant-propos /
Monologuer / Pratiques du discours solitaire / au théâtre », p. 7-17 signé des
directeurs.
[5]. F. Dubor, « "L’espace d’une voix désolée" / (La séparation
des songes, / de Jean Delabroy) / Entretien avec Jean
Delabroy » dans F. Dubor et C. Triau (dir.), La Licorne n° 85, revue citée, p. 221-229. Les citations vont à ces pages.
[6]. Il s’agit du onzième chapitre (p. 447-457) de l’important essai « Prose,
poésie » (p. 391-518) dans Critique du rythme,
op. cit.
[7]. Les remarques précises pour le roman faites par Dominique Rabaté dans
son chapitre « Bakhtine chez Beckett et Bernhard (voix, idée et personnage
dans la théorie dialogique ) » (dans Poétiques de la voix, Paris, Corti, 1999, p. 225-245) rejoignent la critique de Meschonnic,
lequel sait gré à Bakhtine de son dialogisme fondamental que la vulgate a effacé
au profit du « dialogisme romanesque » (vs. le monologisme poétique), lequel oblige à tenir pour unitaire la voix
d’un personnage et ses idées alors même que cette « théorie personnaliste
de la voix résiste difficilement à l’épreuve des textes plus sombres et
destructeurs » comme écrit Rabaté, p. 244.
[8]. Meschonnic fait une critique précise de la théorie bakhtinienne aux
p. 448-455 auxquelles je renvoie pour le détail.
[9]. Le soulignement est de Meschonnic.
[10]. Sur le dialogisme comme activité relationnelle au cœur du langage, je
renvoie à Langage et relation.
[11]. « Force » que Rabaté (op. cit.,
p. 245) note chez Bahktine comme un « au-delà de la forme » d’un texte. Mais « la forme » gagnerait à ne pas
rester prise dans le statisme d’une topique d’autant que la séparation
force/forme et son éventuel dépassement hégélien (« mise en forme théorique,
l’obligeant constamment à se dépasser elle-même », ibid.) renvoie trop à une doxa du fond et de la
forme, d’un cadre et d’un hors-cadre, d’une norme et d’un écart.
[12]. W. von Humboldt, Introduction à l’œuvre sur le kavi et autres
essais, trad. Pierre Caussat, Paris, Seuil, « L’ordre
philosophique », 1974, p. 73. Je me permets de renvoyer à ma thèse et à
son chapitre 17 (« La volubilité : une force amoureuse ») et plus
particulièrement aux « six principes de la volubilité » tirés du mémoire
de 1820 publié seulement en 1906.
[13]. F. Dubor et C. Triau (dir.), « Avant-propos / Monologuer /
Pratiques du discours solitaire / au théâtre », La Licorne n° 85, revue citée, p. 15. Je n’ai pas mentionné dans cette réflexion
l’ouvrage dirigé par Jean-Pierre Ryngaert, Nouveaux Territoires du dialogue (Arles, Actes Sud / CNSAD, 2005) qui bien évidemment vient en
contrepoint du précédent. Il m’aurait fallu aussi mentionner le numéro double
31 et 32 (« Dialoguer, vers un nouveau partage des voix ») de la
revue Études théâtrales (2004 et 2005). Dans Nouveaux
Territoires, Jean-Pierre Sarrazac qui a coordonné ce
numéro de revue reprend sa thématique du « partage des voix » (p. 11-16)
qu’il emprunte d’ailleurs à Jean-Luc Nancy (Le Partage des voix, Paris, Galilée, « Débats », 1982). Sarrazac s’inscrit dans
la problématique bakhtinienne pour voir dans le théâtre contemporain une « reconfiguration
du dialogue dramatique » qui « se dialogise » parce qu’il organise « la confrontation dialogique de ces voix
singulières » y compris de celle du « sujet rhapsodique » plutôt
qu’« épique », selon sa proposition en regard de la Théorie du
drame moderne (Lausanne, L’Âge d’homme, 1983) de Peter
Szondi. J’aime beaucoup ses réflexions mais je suis en désaccord avec sa
lecture de Maeterlinck qui parlant d’un « autre dialogue » n’a jamais
suggéré que ce dernier « exprim[ait] l’"ineffable" », comme
dit Sarrazac, – et alors nous ne serions plus de ce « temps » : « c’est
la qualité et l’étendue de ce dialogue inutile qui déterminent la qualité et la
portée ineffable de l’œuvre » affirmait Maeterlinck (« Le tragique
quotidien », dans Le Trésor des humbles,
Bruxelles, Labor, 1986, p. 107).
Sarrazac réitère doublement un dualisme et des deux dialogues et des
deux époques mais tout comme Sarraute et Vinaver que Sarrazac évoque,
Maeterlinck ne conçoit pas « un dialogue au second degré », il vise
le continu du sens et de la signifiance et même la portée du premier par la
seconde. En fin de compte, il ne s’agit pas d’un partage des voix – et je
prends ici mes distances avec Nancy qui oriente toute la réflexion de Ryngaert
dès sa préface, p. 5, et donc l’ensemble du livre collectif : logiquement
Ryngaert parle du « tiers spectateur » (p. 6) quand il faudrait
concevoir quelles que soient les formes théâtrales, adressées ou pas, un
spectateur-acteur comme le suggère Claude Régy dans tous ses écrits (par
exemple : Au-delà des larmes, Besançon, Les
Solitaires intempestifs, 2007) – mais d’une autre écoute : tout le sens de
cet essai.
[14]. Voir, entre autres, les actes du colloque de juin 1988 recueillis par
Michel Collot et Jean-Claude Mathieu (dir.), Poésie et altérité (Actes du colloque de juin 1988), Paris, Presses de l’École Normale
Supérieure, 1990, p. 7. J’ai fait une lecture critique d’une des contributions,
celle de Georges Nonnenmacher (« Poésie, relation et altérité ») dans
Langage et relation, Paris, L’Harmattan, 2005, p.
94-96.
[15]. La notion de « fonction de sujet » est référée aussi à
Michel Foucault. Voir, entre autres, Politique du rythme Politique du sujet, op. cit., p. 241.
[16]. Citation qui situe avec pertinence l’essai « Le poème et la
voix » (p. 273-296) de Critique du rythme.
[17]. Cela commencerait significativement dans les revues par Poétique n° 102, avril 1995, Seuil [comprend un dossier « La parole et la
voix », p. 131-192]. Pour d’autres références, je renvoie à la
bibliographie très utile donnée par Jean-Pierre Martin à la fin de son ouvrage
La Bande sonore, op. cit., p. 287 – Martin ne signale pas ce numéro de Poétique.
[19]. H. R. Jauss, Pour une esthétique de la réception (textes de 1972 à 1974), trad. C. Maillard revue par l’auteur, préface
de J. Starobinski, Paris, Gallimard, « Tel », 1978. Il faudrait évaluer
les différences entre les travaux de Jauss et la doxa qui domine les études littéraires scolaires – voir, entre autres, Le
Français aujourd’hui n° 160 (« La critique pour
quoi faire ? »), mars 2008.
[21]. Voir, par exemple, N. Belmont et J.-F. Gossiaux, De la Voix au
texte. L’ethnologie contemporaine entre l’oral et l’écrit, Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques, 1997 – il
s’agit des actes du 119e congrès des sociétés historiques et
scientifiques (section anthropologie et ethnologie françaises) à Amiens en
octobre 1994.
[22]. Je ne réduis pas pour autant les travaux ethnologiques à cette préhistoire
même si la grande majorité d’entre eux attentifs au langage n’en font pas la
critique jusqu’à une poétique. Voir, par exemple, les travaux passionnants de
Denis Laborde (La Mémoire et l’instant Les improvisations chantées du bertsulari
basque, Bayonne, Elkar, 2005)
et de Francis Zimmermann (voir son séminaire de 2004-2005 en ligne à cette
adresse : http://www.archivesaudiovisuelles.fr/341/liste_conf.asp?id=341).
[24]. Aristote, Catégories, De l'interprétation,
Organon I et II, tr. J. Tricot, Paris, Vrin, 1984,
p. 89-90.
[26]. W. Benjamin, « Le narrateur » dans Écrits français, intr. et notices de Jean-Maurice Monnoyer, Gallimard, « Folio
essais », 1991, p. 264-298. Voir également « Le Conteur »,
traduction de la version allemande par Pierre Rusch dans Œuvres III (Paris, Gallimard, « Folio essais », 2000, p. 114-151).
[28]. Meschonnic donne le texte à partir du russe (B. Pasternak,
intervention au 1er Congrès des écrivains soviétiques le 29 août
1934). Pasternak parle de « la prose pure dans sa tension de
transfert » et Meschonnic précise « non la traduction » mais « le
transfert, la transmission » : ce dernier terme suggère très précisément
la valeur relationnelle de cette « voix de la prose », voire la
notion de « racontage ».
[31]. Il écrit : « C’est l’œuvre unité de vision syntagmatique et l’œuvre unité de diction
rythmique et prosodique –, système et créativité, objet et sujet, forme-sens,
forme-histoire » dans Pour la poétique, Paris,
Gallimard, « Le Chemin », 1970, p. 62.
[32]. H. Meschonnic, « La rime et la vie » dans La Rime et la
vie (1989), Gallimard, « Folio essais »,
2006, p. 247-273. J’indique dorénavant seulement la page.
[33]. M. Tsvetaieva, Tentative de jalousie,
trad. et intro. d’Ève Malleret, Paris, La Découverte, 1986. La même avait
participé à l’équipe dirigée par H. Meschonnic pour la traduction collective
avec Anne Fournier, Bernard Kreise, et Joëlle Young de Iouri Lotman, La
Structure du texte artistique, Paris, Gallimard, 1973.
[34]. Il suffirait d’évoquer les nombreuses traductions d’André Markowicz.
Je garde un souvenir très fort de l’atelier de traduction sur scène, sans notes
ni livres, des poèmes de Tsvetaieva par Markowitz un dimanche matin (le 4 décembre
2005) au théâtre de la Colline.
[36]. L. Wittgenstein, Investigations philosophiques (1945), trad. Pierre Klossowski, Paris, Gallimard, « Tel »,
1986.
[37]. Voir la revue de travaux de Fabrice Clément, « Une nouvelle
"forme de vie" pour les sciences sociales », Revue européenne
des sciences sociales, XXXIV, 106, p. 155-168. Ma
critique de Vincent Descombes figure dans ma thèse au début de la seconde
partie.
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